Troubles des conduites alimentaires

La boulimie :

« Tout a commencé car je me trouvais un peu ronde. Du coup, pour plaire aux garçons, pour être plus mince et plus jolie, je me suis dit que je pouvais essayer de perdre 2 ou 3 kg. J’ai donc décidé de suivre le régime très en vogue actuellement, le régime Deka, dont les magazines féminins parlent beaucoup. Au début, c’est un peu dur, j’ai souvent faim. Mais au bout de quelques jours, ça va mieux. Après quelques semaines, je m’aperçois que j’ai perdu 3 kg : « ouah, ça marche », je me dis. Je suis fière de ce résultat et je suis motivée pour continuer ce régime. Au bout de deux mois, j’ai perdu 5 kg. Mes amies me trouvent jolie et me félicitent de cette perte de poids. Cependant, peu de temps après, je commence à perdre le contrôle de mon alimentation. Un soir, en rentrant du travail, je m’autorise un biscuit au chocolat : «  après tous mes efforts, je peux m’autoriser ça ». J’en mange un, puis deux, puis trois, puis finis le paquet. Je culpabilise et me dis « plus jamais ça ». Deux semaines plus tard, la même chose se produit, cette fois-ci avec un paquet de chips. Les pertes de contrôle deviennent de plus en plus intenses et de plus en plus fréquentes. Je me sens désespérée et ne sais plus quoi faire…Je reprends tout le poids perdu, même plus. Ca me déprime de voir tous mes efforts partir en fumée. C’est alors que me viens l’idée de provoquer un vomissement. Une fois, deux fois…et le trouble alimentaire s’installe.. »

La boulimie nerveuse se définit grâce aux critères diagnostiques suivants :

  • Des crises d’hyperphagie fréquentes. Deux caractéristiques définissent une crise d'hyperphagie :
    1. L’absorption dans un temps limité (par exemple, en moins de deux heures) d’une quantité de nourriture très supérieure à ce que les gens absorberaient dans cette période de temps et dans ces circonstances.
    2. Le sentiment d’une perte de contrôle, d’une incapacité à pouvoir contrôler ce que l’on mange pendant la crise.
  • Des comportements compensatoires fréquents (vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques, hyperactivité physique,…) dans le but d’éviter une prise de poids
  • Des crises d’hyperphagie et des comportements compensatoires, au moins une fois par semaine pendant au moins 3 mois, en moyenne
  • Une estime de soi excessivement influencée par le poids et la forme corporelle.

Degrés de sévérité :

  • Légère : en moyenne 1-3 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine
  • Moyen : en moyenne 4-7 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine
  • Grave : en moyenne 8-13 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine
  • Extrême : en moyenne, minimum 14 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine

L'hyperphagie boulimique :

« J’ai toujours été un peu ronde et eu un bon appétit, mais cela ne m’a jamais préoccupée, jusqu’à l’adolescence. Depuis la rentrée, je me compare à mes camarades de classe et je me trouve trop grosse. Je commence alors à faire attention à mon poids, à ce que je mange : j’essaie de manger moins de sucreries, moins d’aliments gras. J’arrive à tenir quelques temps, mais je finis toujours par craquer. Ainsi, mon poids baisse un peu, mais remonte très vite quand j’arrête de faire attention. J’essaie toutes sortes de régimes, je me dis que je finirai bien par trouver celui qui fonctionne ! Mon poids baisse, puis monte, puis rebaisse et encore remonte. A l’âge adulte, mon poids est toujours le même, voire plus haut que celui de départ. Je continue à essayer tous les nouveaux régimes à la mode. Mais, à la suite d’un régime un peu trop restrictif et après une rupture amoureuse, je perds le contrôle et je mange de grandes quantités de nourriture jusqu’à ne plus pouvoir rien avaler. Ces pertes de contrôle réapparaissent, d’abord rarement, puis souvent, puis quotidiennement…Mon poids augmente rapidement et je me sens complètement désemparée… »

L’hyperphagie boulimique se définit selon les critères diagnostiques suivants :

  • Des crises d’hyperphagie fréquentes. Les caractéristiques de ces crises sont les :
    1.  L’absorption dans un temps limité (par exemple, en moins de deux heures) d’une quantité de nourriture très supérieure à ce que les gens absorberaient dans cette période de temps et dans ces circonstances
    2.  Le sentiment d’une perte de contrôle, d’une incapacité à pouvoir contrôler ce que l’on mange pendant la crise
  • Les crises d’hyperphagies sont associées à au moins trois des caractéristiques :
    1.  Manger beaucoup plus rapidement que la normale
    2.  Manger jusqu’à éprouver un écœurement ou une douleur au ventre
    3.  Manger de grandes quantités de nourriture sans faim
    4.  Manger en cachette car on est gêné de la quantité de nourriture consommée
    5.  Se sentir coupable, déprimé ou dégoûté de soi-même après avoir mangé
  • Les crises engendrent une détresse et un mal-être important
  • Les crises surviennent au moins une fois par semaine durant trois mois
  • Les crises ne sont pas dues à un autre trouble des conduites alimentaires (anorexie, boulimie,…) et ne sont pas accompagnées de comportements compensatoires (vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques, hyperactivité physique, jeûne…)

Degrés de sévérité :

  • Légère : 1-3 crises d’hyperphagie par semaine
  • Moyenne : 4-7 crises d’hyperphagie par semaine
  • Grave : 8-13 crises d’hyperphagie par semaine
  • Extrême : >14 crises d’hyperphagie par semaine

 Ce comportement induit souvent des problèmes d'excès de poids ou d'obésité qui sont également sources de souffrance.

L'anorexie :

« Depuis quelques temps, mon entourage a constaté des changements dans ma façon de manger : j’évite de manger certains aliments et trie dans mon assiette. J’écarte les aliments gras, puis les féculents, puis les sucreries…Je saute certains repas de la journée. Par contre, je passe beaucoup de temps dans la cuisine pour préparer de bons petits plats, mais je ne mange pas ce que je prépare et j’encourage toute ma famille à manger. En plus, je sors de moins en moins avec mes amies, je me confie moins et me referme sur moi-même. J’investis aussi beaucoup dans mes études, je travaille dur. Je parais triste, irritable et fatiguée. Je me plains souvent d’avoir froid et je dois mettre plusieurs couches de vêtements sur moi. Depuis peu, je me suis mise à la course à pied alors que je n’aimais pas ça avant…Je cours même s’il fait froid et s’il pleut. Au fur et à mesure, mon visage se creuse et je perds manifestement beaucoup de poids. Quand on me demande comment je vais, je réponds : « Tout va bien» ».

L'anorexie mentale se définit selon les critères diagnostiques suivants :

  • Des apports énergétiques (alimentaires principalement) réduits, par rapport aux besoins, qui conduisent à un poids bas pour son âge, son sexe et sa santé physique (un poids bas est un poids inférieur à la norme minimale)
  • Une peur intense de prendre du poids ou de devenir obèse
  • Un comportement visant à éviter la prise de poids, alors que le poids est bas
  • Une altération de la perception de son poids ou de la forme de son corps 
  • Une influence excessive de son poids ou de la forme de son corps sur l’estime de soi
  • Un refus de reconnaître la gravité de sa maigreur actuelle

Types d’anorexie :

  • Type restrictif : pendant les 3 derniers mois, il n’y a pas eu de crises d'hyperphagie, ni de comportements compensatoires (vomissements provoqués, comportements purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements)). La perte de poids est essentiellement obtenue par un apport faible en calories, un jeûne et/ou de l’exercice physique intensif
  • Type hyperphagie/purgatif : pendant les 3 derniers mois, il y a eu des crises d'hyperphagie et/ou des comportements compensatoires (vomissements provoqués, comportements purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements,…))

Degrés de sévérité :

  • Léger : IMC ≥ 17 kg/m²
  • Moyen : IMC = 16-16.99 kg/ m²
  • Grave : IMC = 15-15.99 kg/ m²
  • Extrême : IMC < 15 kg/ m²

Trouble restrictif évitant

« Je fais très attention à mon poids, mais avec mon emploi du temps, je n’ai plus le temps de faire du sport et je regrette mon corps musclé d’autrefois. Du coup, j’essaie de faire attention à ce que je mange ; je me dis que je devrais manger moins de matières grasses, de viande et de féculents et augmenter ma consommation de fruits et légumes. Je pense que cela pourrait avoir une influence sur ma santé et que je devrais faire quelque chose…mais je n’y arrive pas. Je mange tous les aliments que j’essaie d’éviter, mais qui me font plaisir et je culpabilise après ».

Le trouble restrictif évitant (ou évitement d’ingestion d’aliments) se définit selon les critères diagnostiques suivants :

  • Le comportement alimentaire empêche d’atteindre les besoins nutritionnels et il est associé à un ou plusieurs des points ci-dessous :
    1. Une perte de poids importante ou l'impossibilité d'atteindre le poids approprié pour son âge et sa taille
    2. Un déficit nutritionnel important
    3. Une nécessité d'être nourri artificiellement par sonde ou de prendre des compléments alimentaires oraux afin de couvrir ses besoins
    4. Une altération du fonctionnement psychosocial (par exemple : conflits avec les proches liés au trouble, absentéisme au travail, refus ou évitement d'activités sociales, etc.)
  • Le problème n’est pas dû à un manque de nourriture disponible (famine) ou par une pratique culturellement admise
  • Le comportement alimentaire n’est pas dû à un autre trouble (anorexie mentale, boulimie,…) et il n’y a pas de perturbation de l’image du corps (se voir plus gros que ce que l’on est, se voir difforme alors qu’on ne l’est pas,…)
  • Le trouble de l’alimentation n’est pas dû à un autre trouble médical

Orthorexie

« Avant, j’exerçais un contrôle fou sur mon alimentation. Je faisais la traque aux sucres ajoutés, suite à un documentaire que j’avais vu à la télévision. L’éviction des sucres ajoutés était devenue une obsession pour moi, au point de me couper de ma vie sociale. Je refusais par exemple un verre de vin après le travail car je le considérais comme un "écart" à mon régime alimentaire "sain". Je me suis beaucoup isolé et renfermé sur mes habitudes : contrôler les étiquettes de tout ce que j’achetais, consommer uniquement ce que je cuisinais moi-même, acheter des produits de certaines gammes (bio, fair-trade, etc...), faire beaucoup de sport... Je m'accordais, face à toutes ces privations, quelques journées par mois où tout redevenait permis... ce qui débouchait sur des avalanches de nourriture. Ce contrôle absolu de mon alimentation me réconfortait énormément, mais je me suis rendu à l'évidence : cela me rendais aussi très malheureux. J’ai alors commencé un suivi au CCNP (seulement mettre avec une diététicienne ?), ce qui a permis de me redonner confiance en moi, de lâcher ce contrôle frénétique qui régissait ma vie, sur de nombreux aspects. Je vis désormais beaucoup plus épanoui, en acceptant tout ce que je mange, en étant moins dur et plus bienveillant avec moi-même. Je ne pensais pas un jour pouvoir réguler mon alimentation et aimer mon corps. Pourtant, aujourd’hui, je me sens désormais enfin sorti de tout ça ». 

L’orthorexie se reconnait selon les symptômes suivants :

  • Une recherche de la perfection alimentaire (aliments d’origine biologique, aliments non-préparés/transformés,…)
  • Une mise en place de règles alimentaires de plus en plus contraignantes qui endommagent la vie privée, sociale, professionnelle, etc.
  • Un contrôle excessif de qualité alimentaire, qui vire à l’obsession
  • Un aliment/repas considéré comme sain apporte plus de plaisir qu’un aliment au goût plaisant

Anorexia athletica :

« Je suis une jeune athlète de 12 ans et j’ai toujours aimé la danse. J’en pratique depuis que j’ai 6 ans. Je passe plusieurs heures par semaine à faire mon sport préféré et je souhaiterais en faire mon métier plus tard. La seule chose qui m’ennuie un peu, c’est que les exigences sont rudes : les entrainements sont nombreux et cela me fatigue beaucoup, surtout depuis que mon entraineur m’a dit qu’il fallait faire attention à ce que je mange (car je devais perdre du poids pour que ma silhouette soit plus gracieuse sur scène). J’ai donc commencé à sauter des repas et à ne plus manger certains aliments pour maigrir. Je sens que mon corps est exténué par les entrainements et par le manque d’énergie, mais je me dis que c’est pour la bonne cause et que le plus important, c’est mon apparence et ma performance sur scène. Alors je continue à m’entraîner beaucoup et manger moins, jusqu’au jour où mes parents s’inquiètent de me voir si maigre et décident de m’emmener chez le médecin ».

L’anorexia athletica se reconnait selon les symptômes suivants :

  •  La volonté de perdre du poids dans le but d’améliorer la performance sportive
  •  La peur de prendre du poids
  •  Un poids bas maintenu grâce à une alimentation pauvre en calories et à des moyens compensatoires fréquents
  •  L’absence de règles (aménorrhée)
  •  Une altération de la perception de son poids ou de la forme de son corps liée à la pratique sportive
  •  Une peur de manquer un entrainement
  •  Le comportement endommage la vie privée, sociale, professionnelle,…
  •  La valeur personnelle dépend de l’apparence physique

 

Bigorexie 

« J’ai toujours été un peu plus rond que les autres. A l’âge de 20 ans, je me suis dit « C’est décidé, je me mets au sport et je me prends en main ». Je vais à la salle de sport 3 jours dans la semaine et je commence à changer certaines choses dans mon alimentation. Je vois que je perds du poids, que j’augmente ma masse musculaire et cela me plait. Je veux que les résultats soient meilleurs et plus rapides, alors je décide d’aller à la salle de gym 5 jours par semaine et de faire encore plus attention à ce que je mange. Aujourd’hui, c’est-à-dire un an après, je me rends à la salle 5 voire 6 jours par semaine et si je ne peux pas y aller, je me sens mal. Je préférerais louper une soirée entre amis ou avec ma famille plutôt que de louper un entrainement. Je ne me rends d’ailleurs plus au restaurant, et si je vais chez des amis, j’apporte mon propre repas, car je veux pouvoir suivre mon plan alimentaire et ne pas faire d’écarts, pour améliorer mes résultats. Je trouve que j’ai fait des progrès au niveau de mon physique et mon entourage me le fait d’ailleurs souvent remarquer, mais pour moi, ce n’est toujours pas suffisant. Je pense d’ailleurs bientôt essayer certaines substances afin d’augmenter mes performances." 

La bigorexie se reconnait grâce aux symptômes suivants :

  •  Une conduite addictive liée au sport, notamment dans le but de développer la masse musculaire
  •  Une altération de la perception de son poids ou de la forme de son corps liée à la pratique sportive
  •  Une consommation de produits dopants ou de compléments alimentaires liée à la pratique sportive
  •  Un endommagement de la vie privée, sociale, professionnelle,…

Sources :

DSM-5, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux,  2015, American Psychiatric Association

Témoignages : site internet http://nedic.ca/

 

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